SDF… chez soi !

Je suis arrivé en famille avec mon voilier en Polynésie française en 2003. J’ai inscrit mes enfants à l’école j’ai trouvé du travail et en 2004, je me suis installé dans le lagon de la commune de Punaauia sur la côte ouest. J’ai récupéré un corps mort qui existait en face de la marina Taina qui était en plein travaux d’agrandissement. Nous étions à cette époque une trentaine de voiliers au mouillage.

Les bateaux de passage avaient le droit à une année en transit. Pour pouvoir rester, j’ai donc dû payer, la taxe d’importation de 20 % sur la valeur du bateau. J’ai créé mon entreprise de construction que j’ai développée jusqu’à faire travailler 50 employés et construire plus d’une centaine de maisons sur Tahiti. Mes enfants ont effectué et terminé leur scolarité, j’ai payé mes taxes, TVA, impôts, charges sociales… Bref j’ai participé à la vie polynésienne, ce territoire étant devenu mon fenua.

En 2007, une centaine de corps mort ont été installés sur 2 zones : une zone de transit, une zone de résidents. Le directeur de la marina m’a prévenu qu’il fallait que je réserve rapidement ma place si je ne voulais pas être trop loin du quai des annexes. Ce que j’ai fait. A partir de 2007, j’ai donc payé mon corps mort. J’ai d’ailleurs payé, en plus, plusieurs fois la marina lorsque j’ai laissé mon voilier pour me rendre en métropole ou lorsqu’il a fallu changer le moteur du voilier. J’ai également payé la place pour mon jet ski pendant presque 10 ans.

En 2018, ayant cessé mon activité et ayant repris mes navigations, j’ai accepté, à la demande de la marina, de céder ma place au corps mort que je n’utilisais que très rarement. Depuis, lors de mes courts passages à Tahiti, je mouillais tout simplement pas très loin de mon ancienne place.

En 2015, les autorités ayant compris que les voiliers de passage étaient une source de revenus touristes, « ils » ont décidé, sans aucune étude préalable, de passer le délai de transit à 3 ans. Le calcul était pourtant simple : environ 200 voiliers en transit chaque année, pouvant rester 3 ans : 600 voiliers en plus. Sans aucune nouvelle infrastructure.

Le pire, ça n’est pas l’erreur d’anticipation du gouvernement qui avec l’affluence des voiliers a provoqué un courroux d’une partie de la population raciste, mais le manque de réflexion de ces mêmes autorités (in)compétentes. Car si l’autorisation de transit pour les voiliers dépend du territoire et qui leur était facile d’en modifier rapidement la loi à l’assemblée, les lois sur l’immigration dépendent de la France. Dès lors que les propriétaires de voiliers ne sont pas européens (mais Australiens, Américains, Newzelandais, etc…)  leur visa ne peut dépasser 3 mois renouvelable une fois. Au terme de leurs visas, ils laissent donc leurs voiliers sur place et rentrent chez eux. Revenus pour le territoire et la population : zéro ! Seule la Marina s’enrichit. Bravo ; bon calcul.

On a donc aujourd’hui une situation complètement aberrante avec des places au port et des corps morts occupés par des voiliers vides alors que, faute de place et de zone de mouillage libre, je n’ai plus le droit de vivre ou même de passer quelques jours pour embrasser mon fils et mes amis dans la commune où je suis résident !

Il existerait des solutions. La première serait, comme ça se fait partout dans le monde, de permettre aux voiliers de passage d’occuper un corps mort libre quelques jours, en payant le stationnement. C’est aujourd’hui impossible, car les corps mort font l’objet de contrats annuels et ne peuvent pas être loués à d’autres voiliers de passage. Il faudrait aussi réellement des zones : résidents et transit proches des commodités et voiliers vides dans des secteurs éloignés.

A quand des personnes compétentes et responsables, avec un minimum de vision aux commandes de ce paradis…en perdition

Écrit le 27 septembre 2021 à Raiatea

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